Plus de 90 % des gros-porteurs d’Airbus sont cloués au sol en raison de la pandémie de Covid-19. Et, selon une étude parue le 29 décembre 2020, beaucoup risquent de ne plus jamais retrouver les airs. En effet, selon une étude réalisée par le cabinet d’analyse de données Cirium, les chances sont infimes pour que ce fleuron d’Airbus retrouve les cieux en grand nombre. Seulement 21 des 243 A380 étaient en service au début du mois en raison des inquiétudes liées à la hausse des coûts et à la faible demande des passagers”, écrit le journal britannique The times.
Vous allez trouver que j’ai l’art de relayer les mauvaises nouvelles. Effectivement, on peut prendre sa calculette et essayer d’identifier les coûts financiers, les pertes d’emploi potentielles, les désastres économiques (sous-traitance, voyagistes, professionnels du tourisme….). On peut sentir l’impact en terme de drames humains. On peut aussi, parce qu’Airbus est une entreprise importante (et à laquelle je suis personnellement attaché) voir derrière cela l’énergie, le génie technologique, l’inventivité de milliers d’anonymes qui ont pris part à cette aventure. Et s’en attrister. Il ne s’agit surtout pas ici de désigner un coupable. Dans le même temps, ces entreprises de haute-technologie sont capables de souplesse et d’inventivité dans des délais raccourcis. Mais les avions ne sont qu’une toute petite partie d’un effondrement potentiel. En l’occurrence débattre pour savoir si on est optimiste ou pessimiste n’a guère de sens. Les questions qui me préoccupent sont plutôt les suivantes : quelles leçons tirons-nous de ces épisodes dont on nous rebat les oreilles qu’ils étaient imprévisibles. Vraiment ? Comment réduire les conséquences en terme d’impacts tant sociétaux, écologiques qu’économiques ? Comment penser l’avenir au regard de cette nouvelle donne ?
Dans une interview récente, Edgar Morin avait cette formule : « La crise favorise les forces les plus contraires. Je souhaite que ce soient les forces créatives, des forces lucides et les forces qui cherchent la nouvelle voie, qui puissent s’imposer bien qu’elles soient encore très dispersées et très faibles. Sinon, on se perd dans les colères qui sont peut-être justifiées, mais qui rendent l’esprit aveugle et unilatéral ».
Alors, sommes-nous seulement victimes de notre propre Hubris, synonyme de démesure et d’arrogance ? Le manifeste des convivialistes pourrait nous aider à concilier défi et bien commun. « Tenter d’être le meilleur est hautement recommandable s’il s’agit d’exceller, à la mesure de ses moyens, dans la satisfaction des besoins des autres, de leur donner le plus et le mieux possible ».
L’Airbus A 380 est donc aussi un symbole, tout comme ces immenses navires de croisières qui voguent de ports en ports pour ne pas rouiller sur place.
Nathanaël Wallenhorst dans une interview récente à Marianne argumente ainsi « …on ne dénonce pas la technique en général. Ce qui pose problème, c’est la recherche de puissance sur fond de transgression : aujourd’hui j’ai l’impression que toute limite n’existe que pour être dépassée. Or, certaines limites doivent être respectées, au premier chef celle du système terre. Si on les transgresse, on génère des franchissements de seuils systémiques qui viennent compromettre la pérennité de l’aventure humaine. ».
Observons cette démesure et trouvons ensemble un chemin vers une plus grande frugalité. Qui ne relève pas que des autres mais aussi de chacun de nous.