En principe, dans un édito des premiers jours de janvier, on ne peut échapper au rituel des vœux. Après l’année que nous avons vécu, on peut simplement espérer que ce soit mieux. Pas difficile, disent les grincheux ! Oui, mais cela pourrait être pire disent les oiseaux de mauvais augure. La seule chose dont on est certains, c’est que cela se finira pour chacun d’entre nous. Quand, c’est une autre question. Quant au monde lui-même, tout dépend si on parle de nous autres humains ou du grand tout. Mais là, c’est une autre histoire et je ne vais pas m’aventurer dans ces considérations.
Alors, on peut regarder le début d’année d’un autre point de vue, celui du seuil, celui de l’entre deux, celui de la porte qui s’ouvre. Ou se ferme. D’ailleurs, savez-vous que le mot « janvier » nous vient de Janus, le dieu romain des commencements et des fins ? Janus est le Dieu des débuts et des passages. En gros, les portes et les fenêtres, c’est sa partie. Alors vous comprenez mieux pourquoi, dans ce site, il est tout le temps question des portes et de fenêtres. La clé et le bâton sont les symboles qui permettent d’ouvrir et de fermer. D’où la symbolique des deux faces, des deux visages. Mais quel dieu es-tu, Janus à double forme ? Comment le dirai-je ?….tu vois en même temps ce qui est dans ton dos et ce qui est devant toi. (Ovide, Fastes, Livre I, vers 89-92. Alors regarder derrière et être attentif à ce qui se dessine devant, c’est une manière comme une autre de débuter l’année. En se disant que les crises ne sont pas réductibles aux seuls malheurs, notamment quand elles sont sans fin. Le mot grec Krisis désigne d’ailleurs le jugement, le tri, la séparation, la décision. Nous y sommes. Et quand on regarde derrière et devant, on perçoit de nombreux chemins possibles dans le brouillard. Ils illustrent nos désaccords. Certes, on ne voit pas très loin. L’incertitude est dense. On pourrait peut-être chercher à nous accorder. Créons ensemble ce lieu où s’échafaude une manière d’habiter le monde et où la raison ne plie pas devant l’arraisonnement ambiant et les pronostics d’effondrement dit la philosophe Cynthia Fleury dans une interview récente. Cela me va bien pour débuter l’année. Et je partage ce souhait qui ne ressemble à aucune résolution personnelle essentielle (faire 5 km de jogging tous les jours même quand il pleut !) mais qui dit que j’ai plus envie de contribuer à un monde habitable pour chacun qu’à me fixer des challenges personnels certes respectables mais un peu dérisoires (ah l’objectif à atteindre ! Oh la performance !).
Mais j’entends déjà, comme un écho lancinant : Ok boomer ! Laisse la place.
Non, ce n’est pas nécessairement laisser la place l’enjeu, mais bien que chacun puisse se sentir appartenir à un monde commun et pouvoir y contribuer à sa mesure. Impossible ? Trop de paradoxes ? Trop d’injustices ? Trop de haine en ligne ? Et si on portait le regard aussi sur autre chose. Plus d’un homme maudit la pluie qui lui tombe sur la tête, et ne sait pas qu’elle apporte l’abondance qui chasse la faim aurait dit Saint-Basile le Grand.
Bien sûr les drames sont quotidiens et personne ne peut être indifférent à ce qui se passe, à cette souffrance intense. Et cet entre-deux est inquiétant et inconfortable car on ne sait pas trop où l’on va.
Mais si on ne prend pas la peine de nous accorder, nous continuerons à jouer faux !
Et puis, tous ceux qui errent ne sont pas perdus dit J R R Tolkien.