Hélios découvre au matin cet article de courrier international : Les scientifiques “chasseurs de virus” alertent depuis plus de dix ans sur l’apparition de nouvelles maladies liées à la déforestation. Paludisme, Ebola, Covid-19…. L’agression humaine aux écosystèmes finit par mettre en péril des vies humaines…et plus loin…L’apparition de ces étonnants agents pathogènes nouveaux, comme le coronavirus responsable du Covid-19, n’est rien d’autre que le résultat de l’anéantissement des écosystèmes, dont souffrent en particulier les zones tropicales, où ils sont détruits pour faire place à des monocultures intensives industrielles. L’émergence de ces maladies découle aussi de la manipulation et du trafic de la faune et de la flore sylvestres, souvent menacées d’extinction.

Et il lit juste après le sondage du jour : 26% pensent que le Covid-19 a été fabriqué en laboratoire, dont 17% « intentionnellement », selon une étude de l’Ifop, réalisée pour la fondation Jean-Jaurès et l’Observatoire du conspirationnisme Conspiracy Watch, et publiée samedi 28 mars. Sans doute plus simple de croire à une conspiration que de s’intéresser aux causes multiples. 

Bon. On s’en doutait un peu. Donc ce n’est que le début, vus les déséquilibres que nous créons dans tous les écosystèmes de la planète…au nom du progrès ! L’addition est salée. Absurde !

Hélios pense à convoquer Sisyphe mais il a peur que ça tourne en boucle : l’absurde a quelque chose de circulaire. On revient toujours à la même place et on refait les mêmes conneries. La folie, c’est se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent aurait dit Einstein. C’est pas faux ! On y est ! Alors, Sisyphe seul, ça perd progressivement en effet de surprise. Alors, Hélios imagine Sisyphe cherchant à comprendre en s’adressant directement au grand Sigmund Freud, fondateur de la psychanalyse.

Sisyphe : Là, tout part en vrille. Toi qui connaît les profondeurs et les noirceurs de l’âme, tu as une explication

Sigmund : Hélas oui, mais elle est inaudible et trop tardive. Te souviens-tu ce qu’on m’a fait subir quand j’ai essayé de développer mes théories. Alors là, ce n’est plus la peine !

Sisyphe : Rien ? Je t’imaginais plus combatif voire vindicatif. Cela ne te permet pas d’alimenter ton fond de commerce. Je ne sais pas moi, un truc du genre névrose collective….

Sigmund : Non, là mes théories sont passées de mode. On est plutôt dans les biais cognitifs et la psychologie positive. Alors moi, avec mon inconscient, mon ça, mon surmoi…ça fait trop vintage, bourgeoisie viennoise…trop tard !

Sisyphe : Bon, mais si je la garde pour moi, c’est quoi ton explication

Sigmund : Il y en a trois qui se cumulent. La première c’est l’illusion de la toute-puissance. On pense que le progrès nous permettra de tout maîtriser, jusqu’à la mort même. Quelle arrogance !

Sisyphe : ça, je voyais. Zeus a le même problème. Il pense qu’il peut tout et s’énerve vite si on le taquine. J’en ai fait l’amère expérience. Et la deuxième. 

Sigmund : Simple. Jusqu’à présent, l’inconscient l’était dans les profondeurs, restait au fond de la mare. Nos bas instincts demeuraient plus ou moins à leur place. La boue au fond. Ne pas trop agiter ! Là, avec les réseaux sociaux et les tueurs en série sur Netflix, on ne sait plus ce qui est de l’ordre de vrai et du phantasme. Tout se mélange. D’où la fascination pour les tueurs en série. On est gâtés avec le Covid-19. Impossible à arrêter et invisible. Netflix vient d’acheter les droits. C’est un peu comme s’il y avait des caméras d’observation dans tous les coins de ton cerveau et de ta maison. L’intime est mort. On a ouvert la porte. Et ce qui se passe…nous dépasse 

Sisyphe : On peut faire quelque chose ? Enfin, moi, ce que j’en dis…mon sort est réglé…

Sigmund : Oui, on peut toujours faire quelque chose. Il y a d’ailleurs plein de tutos sur internet…projet de deuxième vie…construire une société solidaire….maîtriser ses émotions…psychanalyse en trois leçons….on peut aussi se désabonner de Netflix et lire de la poésie ou jouer du piano. C’est plus sûr.

Sisyphe : Et la troisième raison ?

Sigmund : On s’intéresse aux remèdes et pas du tout aux causes. Très peu de choses sur le sujet. Moi, je pense que la société, le monde, a besoin d’une cure pour retrouver la cause première ! D’où viennent les virus ? Ni de notre imagination, ni d’un complot.  Et si on s’intéressait aux chauves-souris ? Les virus existent depuis des millénaires. Les espèces sauvages ne sont pas malades des virus dont elles sont porteuses. Nous si. Mais le problème c’est que l’on cherche un coupable, pas la cause. Or la cause est collective. Et cela, la cure individuelle n’est d’aucune utilité. Mais ce que j’en dis…ou rien…

Sisyphe : Ce n’est pas cool ton scénario !

Sigmund : Absurde même. Mais je ne veux pas te donner de leçons en absurdie, tu es un dieu !

Sisyphe : Non, pas un Dieu. La place est prise. Mais je ne suis pas sûr qu’elle soit enviable 

Sigmund : Dernière chose : Friedrich avait raison. Marche, les idées viennent en marchant

Sisyphe : T’es bien gentil toi, mais on est confinés ! Marcher, facile à dire…

Sigmund : Et bien regarde des vidéos de gens qui marchent. Il y en a plein sur Youtube. Tu verras, c’est très relaxant et …fatigant. Voilà ce qui nous faut. Être fatigués physiquement.

Sisyphe : Oui je comprends mieux pourquoi mon rocher me manque.

En échos aux propos de Sigmund, Hélios constate qu’on s’intéresse assez peu aux causes dans notre frénésie de trouver un vaccin. Cela alerte un certain nombre d’experts (pas autoproclamés mais des professionnels avisés qui ont consacré leur vie à comprendre quelque chose à tout cela !) notamment Didier Sicard qui nous alerte sur la nécessité d’enquêter sur l’origine animale de l’épidémie de Covid-19 . Si on le suit, Sigmund a peut-être raison. Méfions-nous des chauves-souris ! Mais peut-être d’autres explications à venir ! Qui sait !

Il retrouve de vieux articles sur le sujet. Il est temps de fermer le livre des maladies infectieuses, fanfaronne en 1967 le secrétaire d’État américain à la Santé. Aujourd’hui, face au menaçant cocktail de l’invisible, du hasard et de la vitesse, nous apparaissons désarmés. Quand le mal se cache dans un concombre ou une basse-cour, les hommes du Raid et les agents du FBI se trouvent fort dépourvus.

Peut-être, comme le dit Dominique Noguez, que le drame nous donnera des chefs d’œuvre. Ecoutons-le : « L’Italie sous les Borgia, a connu trente ans de terreur et de sang, mais cela a donné Vinci, Michel-Ange et la renaissance ; la suisse a connu la fraternité, cinq cent ans de démocratie et de paix, et qu’est-ce que cela a donné ? Le coucou !

Cela se discute !

Anabella lui envoie alors son texto du soir : J’ai fait un drôle de rêve cette nuit. J’étais dans un train, dans un wagon où j’étais toute seule. Le train traversait une plaine isolée. Puis il s’est arrêté progressivement dans de grands grincements. Alors, je me suis approchée de la tête du wagon. Il y avait une porte au fond qui donnait sur une petite plateforme. J’ai ouvert. Il n’y avait rien devant : pas d’autre wagon, pas de motrice. Et me penchant, j’ai vu qu’il n’y avait pas de rail non plus. Le voyage était fini. Mais le wagon était bien là. Alors, je me suis mis à regarder comment je pouvais décorer, arranger, aménager le wagon. Ou plutôt le petit espace où j’étais assise, celui qui avait les plus grandes fenêtres…et puis je me suis réveillée. Alors je me dis ce matin que quand le mouvement s’arrête, quand ce qu’on produit n’est plus en rayon, il nous reste ce qu’il y a autour de nous, proche, ce qu’on voit et ce qu’on a au fond du cœur. Peut-être que c’est l’arrêt qui nous permet d’imaginer. 

Et je ne sais pas pourquoi, j’avais en tête cette interprétation du prélude in do minor BWV 847  de JS Bach à distance. Elle m’a toujours beaucoup émue. La musique est un lien. Un langage qui résonne et nous rend songeurs. Et heureux. Reste confiné. Et porte-toi bien !


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Crédit photo : Hervé Crepet Photographe

 

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